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In Memoriam

Jacques Andréani (22 novembre 1929-25 juillet 2015)

Bertrand Wallon
p. 295-303

Texte intégral

  • 1 Andréani, Jacques, L’Amérique et nous, Paris, éd. Odile Jacob, 2000 ; Le Piège. Helsinki et la chut (...)

1Jacques Andréani, président des Amis de l’Idéo, est décédé à Pornic (Loire-Atlantique, France) le 25 juillet 2015 à l’âge de 86 ans. Ambassadeur de France, fin connaisseur de l’Europe de l’Est mais aussi de l’Orient, il avait participé aux négociations d’Helsinki qui ont joué au cœur des années 70 un rôle clé dans le processus de détente entre l’Est et l’Ouest. Plusieurs fois responsable de directions du Quai d’Orsay, il a représenté la France en qualité d’ambassadeur en Égypte, en Italie, aux États-Unis d’Amérique. Il est auteur de trois livres qui communiquent chacun une part de son expérience, et témoignent de sa philosophie de l’existence et de l’engagement dans la société1. Une philosophie de l’engagement qu’il a lui-même mise en pratique, à travers sa vie professionnelle et ses nombreuses responsabilités dans la société civile.

2Né le 22 novembre 1929 à Paris, Jacques Andréani était le fils unique de Paul Andréani, un conseiller fiscal dont la famille d’origine corse s’était installée depuis le siècle précédent à Paris, et de Suzanne Hugon, dont la famille appartenait à la bourgeoisie du Nord de la France. C’était un couple aisé : Paul Andréani participa à la création d’un des plus importants cabinets français d’expertise-comptable. C’était aussi une famille croyante, catholique, pour qui la religion n’était pas seulement affaire de tradition. La mère de Jacques, en particulier, est toujours restée très attachée à la pratique religieuse. Deux lieux ont marqué l’enfance de Jacques Andréani. Le quartier de Paris où il a grandi, le 7e arrondissement, ses parents résidant rue Barbet de Jouy. C’est un quartier cossu, mais aussi un quartier tourné vers les affaires de l’État, qui abrite ou jouxte le siège de nombreux ministères (dont celui des Affaires étrangères…), et qui se trouve relativement proche du haut-lieu de la vie intellectuelle qu’était alors le Quartier latin. Dans un rayon de deux kilomètres autour de son domicile familial, se trouvent toutes les institutions publiques où se développera sa formation : le lycée Buffon, Sciences Po, l’École Nationale d’Administration. C’est aussi, comme un clin d’œil du destin, l’arrondissement du Quai d’Orsay, qui sera pendant 40 ans sa « maison » professionnelle. Un autre lieu, tourné vers l’Atlantique, est à mentionner : la petite cité balnéaire de Pornic, proche de Nantes, et la maison qu’y ont édifié les Andréani vers 1870. Il y passera régulièrement ses vacances d’été, enfant et jeune homme, et il y reviendra à l’âge adulte, père puis grand-père. Il y effectua aussi, à l’hiver 1939-1940 une très inhabituelle scolarité, une maison voisine servant « d’école » avec un enseignant unique, pour tout un groupe d’enfants de son âge, évacués de Paris à la déclaration de guerre. Dans sa vie professionnelle où se succèderont les affectations à l’étranger, en Europe ou au-delà, Pornic a été pour Jacques une sorte de « port d’attache », et ce jusqu’à son dernier moment puisque c’est là qu’il meurt à l’été 2015, alors qu’il y séjournait en famille.

3C’est sans doute dans le parcours et les lieux de la formation de Jacques Andréani, que l’on trouve les clés de cette ouverture au monde et à « l’autre différent » qui aura si fortement marqué sa personnalité et ses choix de vie. Une fois rentré à Paris, après la défaite de 1940, Jacques intègre en effet le lycée Buffon, situé dans le 15e arrondissement, que l’on peut facilement rejoindre à pied depuis la rue Barbet de Jouy. Il y restera jusqu’au baccalauréat. Le lycée Buffon en ces années noires de l’occupation est marqué par l’esprit de la Résistance, et paye un prix lourd à la répression des autorités de Vichy et du régime nazi. Le professeur Raymond Burgard, fondateur du réseau Valmy y est arrêté, puis cinq lycéens, les « martyrs du lycée Buffon », qui seront fusillés en février 1943 alors qu’ils ont entre 17 et 20 ans. Jacques est trop jeune encore pour prendre part à ces activités, mais il est marqué par la présence et le charisme d’enseignants courageux : son professeur d’anglais qui, alors que la Grande-Bretagne affronte vaillamment Hitler, leur fait l’éloge de la démocratie britannique ; et une exceptionnelle figure, Jean Guéhenno. Celui-ci arbitrairement exclu à la rentrée de l’année 1942 de son cours de Khâgne au lycée Louis-le-Grand, où les autorités craignaient qu’il « corrompe les esprits » par son engagement anti-fasciste, a été envoyé enseigner le latin aux élèves de Buffon. Et parmi eux, Jacques l’écoute vanter – à travers les exemples de la Rome antique – les vertus de la démocratie et du courage citoyen, et faire l’éloge de la liberté. Après Buffon où se sont nouées des amitiés dont certaines dureront toute sa vie, Jacques suit avec brio le parcours de ceux qui alors voulaient entrer dans les responsabilités publiques : le diplôme de Sciences Po, dont les locaux sont rue Saint-Guillaume (dans le 7e arrondissement), et une licence en Droit, avant de réussir le concours de l’ENA (qu’alors seul un jardin sépare de Sciences Po). À Sciences-Po, il a eu l’occasion d’étudier les institutions et les régimes politiques comparés, et en particulier ceux des pays anglo-saxons dont l’alliance de libéralisme et de démocratie lui apparaît si originale au regard de la tradition révolutionnaire française, et dont il admire les réalisations. Il est impressionné par le dynamisme de la révolution industrielle anglaise du siècle passé, mais aussi par les mesures sociales modernes que fait adopter Beveridge ; et par la prodigieuse puissance économique des USA qui, par le plan Marshall, viennent au secours de la reconstruction de l’Europe de l’Ouest. Il participe aussi, jeune étudiant, au bouillonnement des idées et à la générosité des engagements qui marquent la France de l’après-guerre. Le pays est au seuil des « Trente Glorieuses », il entame sa reconstruction, dans un climat à la fois politiquement instable et fertile en innovations. L’État met en place les instances d’une planification originale, et le programme du Conseil National de la Résistance inspire beaucoup des acteurs de sa politique économique et sociale. En même temps, l’opposition entre les blocs se durcit, et à travers le monde les empires coloniaux commencent à s’effriter. Alors que le parti communiste français est résolument stalinien, que la SFIO affiche son anticléricalisme, hésite devant l’Europe, et voudrait reconstituer militairement l’empire colonial, c’est dans une multitude de clubs et de mouvements divers que la militance de gauche et la mouvance des démocrates-chrétiens s’expriment. Pour Jacques, ce sera dans le cadre du Mouvement des jeunesses socialistes, dont il dirigera la section de Paris Centre et Sud. Au sein du mouvement, il côtoie le responsable national des étudiants, le jeune Michel Rocard qui étudie lui-aussi à Sciences Po et entrera à l’ENA quelques années après Jacques. Entre les deux hommes, les liens d’affinité intellectuelle et d’amitié ne se démentiront jamais. Sans nul doute, cet engagement politique au cours de sa jeunesse aura été pour Jacques un lieu essentiel d’affirmation de ses principes existentiels, d’affinement de son esprit d’analyse, de développement de ses capacités de dialogue et de débat.

  • 2 C’est à cette époque dès l’entrée de l’ENA, et non comme ultérieurement en fonction du rang de sort (...)

4En entrant à l’ENA, Jacques qui a toujours été doué pour les langues, a choisi sa voie : il opte pour le Quai d’Orsay, il sera diplomate2. Le nom de sa promotion, « Paul Cambon », choix auquel il a participé, honore d’ailleurs un grand diplomate français, qui joua au début du siècle un rôle essentiel dans la constitution de l’Entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne, puis de la Triple entente avec la Russie. Les nouvelles fonctions qui seront celles de Jacques Andréani à la sortie de l’ENA ne lui permettront pas, du fait de l’obligation de réserve des fonctionnaires, de poursuivre ses engagements politiques. Mais dans un monde qui a connu deux fois en quarante ans les terribles épreuves de la guerre (Jacques évoquait celle de 14/18 comme « une victoire désastreuse »), il veut être au service d’une diplomatie qui œuvre pour la paix, une paix qui ne saurait toutefois se construire par la renonciation à des principes essentiels.

  • 3 Sur ce point, voir son livre L’Amérique et nous ; pour un résumé de ses analyses on peut se reporte (...)
  • 4 Témoignage apporté par Gilles Andréani devant les « Amis de l’Idéo » lors de la célébration en mémo (...)

5Son premier poste à l’étranger sera à Washington, comme attaché puis secrétaire d’ambassade. Il y arrive en 1955, et son premier enfant y naît l’année suivante. Il y restera cinq ans, découvrant avec passion ce pays, et œuvrant avec une détermination qui ne le quittera jamais, à déconstruire l’anti-américanisme sommaire d’une bonne partie de l’intelligentsia française et les préjugés réciproques entre les deux pays3. Son poste suivant, après un temps de formation au russe, sera l’ambassade de France à Moscou, comme premier secrétaire. La connaissance qu’il y acquiert du système soviétique trouvera ensuite à s’exercer à Paris, au Quai d’Orsay, comme sous-directeur d’Europe orientale (en charge donc des pays du bloc communiste), puis à Bruxelles comme premier conseiller de la délégation française auprès de l’OTAN. Nommé ministre plénipotentiaire, il est en 1973 chargé de diriger la délégation française à la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE ou « Conférence d’Helsinki »). Son acte final, signé par 35 pays dont l’URSS, constituera une étape majeure du processus de détente entre les deux blocs. Jacques Andréani considérait que cette responsabilité avait été une des plus marquantes de sa vie professionnelle, et ne manquait pas de souligner le rôle qu’ont joué les dispositions relatives aux droits de l’homme (ce qu’on a appelé « la troisième corbeille d’Helsinki ») dans les combats ultérieurs des dissidents d’Europe de l’Est pour la démocratie et les libertés dans leurs pays. Comme l’a exprimé son fils Gilles Andréani, « inventeur du volet droits de l’homme de cette négociation, il pensait que la diplomatie consiste à concilier des intérêts différents, mais en sachant que tous les intérêts ne se valent pas. S’il était partisan du dialogue avec le communisme soviétique c’était avec la conviction que l’ouverture, à la fin, affaiblirait plus que nous un régime dont la nature heurtait son sens de la justice, et l’absurdité son intelligence4. »

  • 5 Dejammet, Alain, « Boutros Boutros Ghali. Une histoire égyptienne », Collection Encre d’Orient, Par (...)
  • 6 La Società Dante Alighieri est le premier institut constitué à Paris pour la promotion et la diffus (...)

6De retour à Paris, Jacques Andréani est nommé directeur Europe du Quai d’Orsay en 1978, avant d’être nommé en 1979 ambassadeur au Caire, une nouvelle étape déterminante pour lui. Sur le plan politique et diplomatique bien sûr : il arrive au Caire alors que le traité de paix israélo-palestinien vient d’être conclu, au terme du processus de Camp-David. L’Égypte doit faire face à l’opposition des États arabes, qui considèrent que ce traité sacrifie la cause du peuple palestinien. Jacques ne peut qu’avoir estime et admiration pour les efforts que déploie au ministère des Affaires étrangères de l’Égypte le parfait francophone qu’est Boutros Boutros-Ghali, pour expliquer et justifier la position de l’Égypte et restaurer sa place dans le monde arabe et en Afrique5. Dans cette période au Caire, Jacques Andréani construit des relations précieuses avec nombre de dirigeants des pays arabes et de solides amitiés avec de grandes familles égyptiennes, et commence l’apprentissage de l’arabe. Mais il est également extrêmement sensible aux initiatives originales qu’il y voit à l’œuvre sur le terrain social et sur le plan intellectuel. Il découvre avec admiration l’action de la sœur Emmanuelle, engagée depuis 1971 auprès des populations pauvres des chiffonniers du Caire. Et celle des dominicains de l’Institut dominicain d’études orientales, l’Idéo que dirige alors le père Georges Anawati, et dont l’œuvre associe intelligence et amitié, connaissance scientifique et dialogue inter-religieux sans volonté de prosélytisme. Jacques Andréani appréciera profondément leur démarche. Mais il devra dès l’été 1981 quitter cette Égypte à laquelle il restera toujours très attaché. L’arrivée au pouvoir de la gauche en France se traduit pour lui par un appel à diriger au sein de son ministère la Direction des Affaires politiques, qui est dans une relation très directe au ministre et à l’action gouvernementale. Après trois années consacrées à ces responsabilités délicates, c’est certainement une satisfaction pour Jacques Andréani de retrouver une ambassade, celle particulièrement prisée de Rome, qu’abrite le magnifique Palais Farnèse. Attentif aux grandes questions politiques de l’Italie (un grand quotidien italien et un grand quotidien américain figureront jusqu’à la fin de sa vie sur sa table de travail du 40 rue Bonaparte à Paris), et à sa contribution à la construction européenne, Jacques Andréani est aussi très attaché à la culture de ce pays, à laquelle il se sent intimement lié. Est-ce son professeur de Buffon, Jean Guéhenno, qui lui a appris à discerner la filiation romaine dans beaucoup des aspects constitutifs de la France (le rôle de l’État et celui de la langue, notamment) ? Fidèle à ce pays qui lui a donné une épouse, Donatella, Jacques présidera volontiers après sa retraite pendant plusieurs années le comité parisien de la Società Dante Alighieri6. Mais de nouveau les exigences de l’action gouvernementale française reprennent leurs droits, et c’est à Paris que Jacques est de nouveau appelé en 1988 comme directeur de cabinet de Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères. Ces nouvelles responsabilités sont intenses, mais elles préludent à une nouvelle affectation d’un niveau exceptionnel. Elevé en 1988 à la dignité d’Ambassadeur de France, Jacques Andréani est nommé en 1989 ambassadeur de France auprès des USA, et retrouve donc Washington, 30 ans après, comme représentant de son pays. Il exercera cette haute fonction jusqu’en 1995. Lorsque vient, en 1995, l’heure de faire valoir ses droits à la retraite, c’est une nouvelle période d’activité intellectuelle et d’engagement social qui s’ouvre pour lui, et qui sera particulièrement riche et productive.

  • 7 Le Projet Aladin est un programme culturel et éducatif placé sous le patronage de hauts responsable (...)

7Au cours de la première décennie qui suit, Jacques Andréani mène à bien l’écriture de ses deux premiers livres, consacrés l’un à son expérience des USA et l’autre au processus de négociation des accords d’Helsinki et à leur rôle (voir note 1). Et cela tout en assurant des enseignements dans le domaine des relations internationales, qui lui sont demandés par plusieurs universités : en France (Clermont-Ferrand) comme en Italie (à Bologne, puis à Rome). Il assurera quelques années la présidence de l’association des Anciens de Sciences Po, dont il restera Président d’honneur. Il participe activement aux travaux de l’association France-Amériques, dont il dirigera la section États-Unis. Il avait d’autre part été appelé, lors de son ambassade aux USA, à jouer un rôle important dans les négociations entre les USA, le gouvernement français et la communauté juive, qui avaient conduit à la création de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Nommé administrateur de la Fondation au titre du Quai d’Orsay, il en présida la commission des historiens, et s’engagea notamment dans le lancement du projet Aladin, qui veut établir un « pont de la connaissance » entre juifs et musulmans7. À ce titre en février 2011, alors qu’il est déjà octogénaire, il figurera sans hésiter dans la délégation de responsables religieux chrétiens, musulmans et juifs, de responsables politiques et d’intellectuels, qui bravent la rigueur de l’hiver polonais pour se recueillir à Auschwitz et y lancer un « Appel universel à la paix et au respect » de toutes les cultures, tous les peuples, toutes les religions.

  • 8 L’association « Les amis de l’Institut dominicain d’études orientales » a été créée en janvier 1992 (...)
  • 9 Dès le début de l’année 2015, J. Andréani avait jugé indispensable que sa succession aux fonctions (...)

8Ce pont de la connaissance et ce dialogue de paix, dont son expérience de l’Orient et du monde lui avait montré le rôle essentiel pour préparer un univers plus juste et harmonieux, Jacques Andréani n’oublia jamais qu’il l’avait vu s’édifier au cœur du Caire, dans le travail discret et tenace de l’Idéo. Sitôt libéré de ses responsabilités de diplomate, il accepta donc de rejoindre en octobre 1995, à la demande de François de Laboulaye, ambassadeur de France qui en était alors le président, l’association des Amis de l’Idéo, encore toute récente8. Et très rapidement, le décès de F. de Laboulaye étant intervenu fin août 1996, il lui succéda dans cette fonction qu’il exercera jusqu’à son dernier jour à l’été 20159. Pendant ces quelque 20 années, s’appuyant sur l’équipe des administrateurs de l’Idéo et en particulier Yves-Alain Lucas qui en fut jusqu’en 2010 le secrétaire général, Jacques Andréani a fait franchir à l’association des étapes essentielles dont la reconnaissance d’utilité publique qui lui fut accordée en décembre 1998 ce qui permet à l’association de prendre activement part à la recherche et à la réunion des soutiens indispensables au financement de la nouvelle bibliothèque de l’Institut au Caire. Dans le comité de soutien qu’il constitue, avec le Père Régis Morelon et Alain Dejammet, vice-président de l’Association et lui aussi ancien ambassadeur de France en Égypte, figurent de grandes personnalités telles que Federico Mayor, directeur général de l’UNESCO, Boutros Boutros-Ghali, alors secrétaire général de la Francophonie, et Monseigneur Henri Teissier (archevêque d’Alger). Mais l’activité de Jacques Andréani se poursuivra durablement après la phase de construction de la bibliothèque et de sa Maison des chercheurs, qui sera inaugurée en 2002 sous le nom de bibliothèque Georges Chehata Anawati. Et notamment en expliquant devant de nombreuses instances ministérielles ou scientifiques les missions et le rôle joué par l’Institut. En aidant l’Institut, grâce aux relations qu’il gardait dans les milieux diplomatiques, à faire franchir frontières et distances aux ouvrages commandés dans le monde entier pour enrichir les collections de la Bibliothèque. Puis en apportant son soutien à l’ambitieuse entreprise de rénovation du catalogue de la Bibliothèque, lancée au début des années 2010 pour le mettre aux normes les plus modernes du monde des bibliothèques et en faciliter l’accès à distance aux chercheurs de tous pays. L’irruption de l’informatique et de ses usages dans le monde des bibliothèques, l’évolution des techniques de catalogage, la perspective d’une mise en ligne du MIDÉO, autant de sujets nouveaux qui ne laissaient jamais Jacques Andréani indifférent, ni hésitant. Une fois la question analysée, son esprit d’ouverture, son intérêt pour la modernité, sa confiance dans les compétences des membres de l’Idéo emportaient toujours sa conviction et son adhésion. Car au-delà de cet indispensable rôle de soutien matériel et financier aux activités de l’Institut, Jacques Andréani prenait particulièrement à cœur le rôle de soutien moral qu’il pouvait apporter, du fait de sa longue expérience du dialogue, à l’équipe de dominicains du Caire. Ce soutien ne s’est jamais démenti, et les responsables successifs de l’Institut que furent les pères Régis Morelon puis Jean-Jacques Pérennès, et depuis 2014 le père Jean Druel, ont pu expérimenter combien il se sentait proche d’eux, à travers ses marques d’amitié, de respect et de confiance. Qui n’étaient jamais plus vives et plus attentionnées que dans les phases délicates, celles notamment où la conjoncture politique de l’Égypte ou les aléas du dialogue inter-religieux pouvaient apporter menaces ou tensions.

  • 10 Andréani, Identité française, p. 15 ; 263.

9Où puisait-il cette confiance communicative, la force de ce pari pour l’avenir, la sérénité dans cette ouverture à l’autre ? Peut-être dans ces simples convictions, qu’il nous a transmises dans son dernier ouvrage : « L’essentiel est d’être en accord avec nous même, mais nous ne pouvons pas l’être si nous négligeons ou méprisons les autres », car « nous vivons tous sur la même planète, et nous sommes tous des enfants de Dieu10. »

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Notes

1 Andréani, Jacques, L’Amérique et nous, Paris, éd. Odile Jacob, 2000 ; Le Piège. Helsinki et la chute du communisme, Paris, éd. Odile Jacob, 2005 ; Identité française, Paris, éd. Odile Jacob, 2012.

2 C’est à cette époque dès l’entrée de l’ENA, et non comme ultérieurement en fonction du rang de sortie, que les élèves-fonctionnaires pouvaient choisir leur ministère d’affectation. La promotion de l’ENA à laquelle appartient J. Andréani est la promotion « Paul Cambon » (1951/1953), du nom d’un haut-fonctionnaire et grand diplomate français (1843/1924) qui fut ambassadeur à Londres de 1898 à 1920. Cette promotion de l’ENA donnera à la République plusieurs ministres, dont Michel Aurillac et Robert Boulin.

3 Sur ce point, voir son livre L’Amérique et nous ; pour un résumé de ses analyses on peut se reporter à son dernier livre Identité française, p. 247-255.

4 Témoignage apporté par Gilles Andréani devant les « Amis de l’Idéo » lors de la célébration en mémoire de Jacques Andréani au couvent Saint-Jacques à Paris, le 18 juin 2016.

5 Dejammet, Alain, « Boutros Boutros Ghali. Une histoire égyptienne », Collection Encre d’Orient, Paris, Erick Bonnie réditions, 2015.

6 La Società Dante Alighieri est le premier institut constitué à Paris pour la promotion et la diffusion de la culture et la langue italiennes.

7 Le Projet Aladin est un programme culturel et éducatif placé sous le patronage de hauts responsables, européens, moyen-orientaux et africains, pour un dialogue fondé sur le rejet du négationnisme dans le monde musulman. Il vise à mettre à la disposition de tous des informations historiques et culturelles, fiables et accessibles, portant sur les enjeux liés aux relations judéo-musulmanes.

8 L’association « Les amis de l’Institut dominicain d’études orientales » a été créée en janvier 1992, pour apporter un appui matériel et moral à l’action de l’Idéo, et en particulier dans la perspective d’engager la construction d’une nouvelle bibliothèque, en rassemblant autour de ce projet bonnes volontés et soutiens. Parmi les fondateurs de l’association figurent les pères Anawati, de Beaurecueil, Morelon, Platti, et Cosmao.

9 Dès le début de l’année 2015, J. Andréani avait jugé indispensable que sa succession aux fonctions de président soit préparée. Il avait à ce titre proposé aux administrateurs la candidature de Bruno Racine, qui avait rejoint le Conseil d’administration de l’association en avril 2015, et fut désigné par ce Conseil en octobre 2015 comme nouveau président. Bruno Racine, ancien Président du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou et de la Bibliothèque nationale de France, membre du Comité consultatif de la Bibliotheca Alexandrina à Alexandrie, est conseiller-maître à la Cour des comptes.

10 Andréani, Identité française, p. 15 ; 263.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bertrand Wallon, « Jacques Andréani (22 novembre 1929-25 juillet 2015) »MIDÉO, 32 | 2017, 295-303.

Référence électronique

Bertrand Wallon, « Jacques Andréani (22 novembre 1929-25 juillet 2015) »MIDÉO [En ligne], 32 | 2017, mis en ligne le 23 avril 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/mideo/1753

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